« L’Empire des Sens, de Boucher à Greuze », au Musée Cognacq-Jay

Pour fêter les 250 ans de la mort de l’artiste peintre François Boucher (1703-1770), le musée Cognac-Jay spécialisé dans l’art du XVIII° siècle organise une exposition digne de lui. L’exposition « L’Empire des sens, de Boucher à Greuze » permet de revenir sur le siècle des Lumières, celui du libertinage, où la quête de plaisir est omniprésente. Une peinture érotique émerge alors mettant en scène le plaisir charnel, la sensualité des corps mais aussi parfois, les traumatismes que cette quête de plaisir a aussi pu engendrer.

Léda et le Cygne, Boucher, 1742

Léda et le Cygne, Boucher, 1742

Le XVIII° siècle est marqué par un fort intérêt pour la passion amoureuse. Les artistes que ce soit les écrivains, les sculpteurs ou les peintres s’inspirent de ce thème pour leurs œuvres. Le siècle des Lumières voit donc l’émergence de nombreux grands maitres spécialisés dans l’art érotique. François Boucher est d’ailleurs connu pour ses œuvres sensuelles et très charnelles. Peintre officiel de Louis XV, il jouit d’une sacrée reconnaissance. Son travail est reconnu de tous même s’il fait souvent scandale. Sa réputation s’étend même dans toute l’Europe où il est connu comme le « peintre des Grâces ». Enormément de commande lui sont faites à travers le continent ce qui prouve clairement l’intérêt de cette époque pour l’art érotique. Son travail est vraiment très intéressant car toujours très symbolique et subtile. Ses tableaux sont à décortiquer.

Femme allongée nue de dos dit Le Sommeil, Boucher, 1740

Femme allongée nue de dos dit Le Sommeil, Boucher, 1740

François Boucher aime le corps des femmes. Il en est fasciné. Dans ses œuvres, il les sublime. On retrouve énormément de jeux de lumière qui attirent le regard là où il souhaite l’attirer ou encore des jeux de drapées qui ne couvrent rien mais au contraire, qui dévoilent. Le peintre donne une grande importance à la chaire, aux jolies courbes, à la sensualité et à la volupté. Les corps sont mis à nu face aux yeux des spectateurs. Le corps féminin étant omniprésent dans son œuvre, Boucher est très vite connu comme étant un peintre érotique.

Danaé recevant la pluie d'or, Boucher, 1740

Danaé recevant la pluie d’or, Boucher, 1740

Pendant des siècles et des siècles, les nus féminins étaient vraiment vu comme scandaleux. L’excuse parfaite pour les artistes, c’était de représenter des scènes mythologiques. Les déesses, nymphes et autres muses n’étant pas de réelles femmes, ça passait, et encore…

Ici, François Boucher représente le mythe de Danaé. Figure lascive et surtout passive, elle est représentée étendue de dos, encore une fois, recevant la pluie d’or qui est en réalité la semence du dieu Zeus (ou Jupiter chez les romains). Si vous ne l’avez toujours pas remarqué jusqu’ici, le « peintre des Grâces » adore représenter le corps féminin de dos… Il est clairement fasciné par les fesses !

On retrouve aussi énormément de mouvement dans cette œuvre. Celui-ci symbolise la pulsion du désir.

Vénus endormie, Boucher, 1740

Vénus endormie, Boucher, 1740

Cette exposition met tous les visiteurs dans la position du voyeur. Nous aussi, nous avons notre rôle à jouer et les tableaux jouent avec nous et notre regard. On retrouve par exemple souvent les personnages dans des positions lascives nous regarder directement nous, spectateurs. Les points de vue, eux aussi, donnent l’impression que la scène se passe juste sous nos yeux. Ou encore, les formats arrondis comme ici pour la Vénus endormie de Boucher qui donnent l’impression de regarder à travers une serrure. C’est clairement une forme de jeu de séduction en réalité. N’oubliez pas que la plupart de ces tableaux étaient commandés. Les clients de Boucher souhaitaient peut-être quelque chose de spécifique pour éveiller leur propre désir.

L'Académie particulière, Saint-Aubin, 1755

L’Académie particulière, Saint-Aubin, 1755

L’exposition « L’Empire des Sens, de Boucher à Greuze » revient aussi sur le statut de modèle au XVIII° siècle.

Faire poser une femme nue dans son atelier était clairement interdit. Vous imaginez bien, ça ne rentrait pas du tout dans les mœurs de l’époque. Peindre une femme imaginaire, une déesse, c’est possible, mais une vraie femme, non ! Comme tout interdit, des stratagèmes étaient donc utilisés afin de pouvoir s’inspirer d’un modèle. Les artistes allaient donc chercher des femmes aux mœurs un peu plus légères. Beaucoup de courtisanes, de prostituées ont donc posé pour des grands maîtres. Les ateliers devenaient des endroits très fantasmés où l’on imaginait les artistes avoir des relations avec leur modèle. C’est quelque chose qui arrivait très souvent.

La modèle était d’ailleurs très fantasmée et transformée en objet de désir. Saint-Aubin le décrit très bien ici. On y voit une modèle complètement nue sur une méridienne. Les draps sur lesquels elle se trouve ne lui servent absolument à rien. Elle est vraiment très érotisée, on la voit se cambrer en arrière, dans la séduction pendant que le dessinateur devant elle fait mine d’être tout sage voire même d’être insensible. Je n’arrive pas vraiment à savoir si cette œuvre met en avant le désir féminin qui a toujours été fantasmé dans l’art mais complètement invisibilisé et réprimé dans la société ou si elle sert juste à faire plaisir aux yeux des commanditaires.

L'Odalisque brune, Boucher, 1745

L’Odalisque brune, Boucher, 1745 

Durant le parcours, vous aurez l’occasion de croiser l’œuvre la plus singulière et sans doute la plus connue de François Boucher, l’Odalisque brune. Fortement inspirée de l’orientalisme, on y voit une jeune femme très peu vêtue et pour le coup, celle-ci soutient clairement le regard du spectateur. Ici, en réalité, Boucher fait littéralement le portrait de son fessier ! Il se trouve d’ailleurs au centre même du tableau. Quand je vous disais plus haut que ce qu’il aimait particulièrement c’était les fesses, je ne mentais pas !

Boucher aime tellement cette œuvre qu’il en a fait de nombreuses répliques et variantes ! Il a même réalisé une odalisque blonde. Beaucoup d’autres artistes lui ont rendu hommage en faisant des répliques de son tableau que je trouve personnellement assez iconique ! En 1745, avec cette œuvre, la réputation du peintre devient des plus sulfureuse ! Il est vivement critiqué notamment par le philosophe Diderot mais cela ne l’empêchera pas de continuer dans sa lancée. 

Deux jeunes amoureux, Baudouin, XVIII

Deux jeunes amoureux, Baudouin, XVIII

L’exposition permet aussi de voir comment à évolué l’art érotique au fur et à mesure du temps. Très vite, les artistes ont innové et sont allés un peu plus loin dans la représentation des plaisirs amoureux et charnels. C’était tout de même très rare de voir des caresses poussées, de vrais baisers passionnés ou même carrément des ébats sexuels. Ces tableaux étaient réservés aux élites, aux personnes très fortunées et étaient exposés dans des lieux secrets. Très peu de personnes y avaient accès.

La résistance inutile, Fragonard, 1770-1773

La résistance inutile, Fragonard, 1770-1773

En plus d’aborder les passions et le désir, l’exposition prend quand même le parti de montrer l’ambiguïté de ce siècle concernant les pratiques amoureuses. En effet, dans certains tableaux considérés à l’époque comme hyper osés et hyper érotiques, on y retrouve clairement des scènes violentes voire même des scènes de viols. La violence est considérée comme normale, animale, pulsionnelle et pourtant très souvent, les femmes en font les frais. Elles sont souvent très passives, dominées par l’homme et parfois même victimes. Comme je le disais, le désir féminin était complètement invisibilisé, on pensait qu’il n’existait pas. Les femmes étaient donc complètement soumises et cette quête du plaisir omniprésente au XVIII° siècle a fait de nombreuses victimes. Surtout que bon, ce n’est pas un secret, le statut des femmes n’était vraiment pas dingue à l’époque et leurs droits, n’étaient pas franchement reconnus. 

Esquisse pour la cruche cassée, Greuze, 1772

Esquisse pour la cruche cassée, Greuze, 1772

J’ai vraiment apprécié que l’exposition mette le point sur ce sujet là. Des artistes comme Greuze avec son tableau intitulé La Cruche cassée montre clairement les traumatismes qu’a pu engendrer la quête du plaisir. Sur ce tableau, on y voit une jeune fille, la robe arrachée, ses mains noués en bas de son ventre, le regard vide et portant à son bras une cruche cassée symbolisant sa virginité arrachée…


L’exposition « L’Empire des Sens, de Boucher à Greuze » au musée Cognacq-Jay revient donc sur l’art érotique omniprésent au XVIII° siècle. De grandes figures se sont fait connaitre dans ce domaine à l’instar de François Boucher connu pour ses œuvres sulfureuses. Ce mouvement montre tout de même une certaine ambiguïté entre les passions amoureuses représentées et la réalité des faits dans la société.

Que pensez-vous de ces œuvres ?


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2 commentaires sur « « L’Empire des Sens, de Boucher à Greuze », au Musée Cognacq-Jay »

  1. Il faudra encore un peu de temps à la société pour réunir l’exaltation du sentiment amoureux, le plaisir de la sensualité et le mariage. L’adultère était condamné mais pratiquement inévitable avec des mariages arrangés plus que choisis.

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