Jusqu’au 9 Février, la Monnaie de Paris propose une monographie dédiée à l’artiste américaine Kiki Smith. Cette exposition contemporaine marque la fin d’un cycle puisqu’elle sera la dernière organisée en ces lieux même si je suis sûre que la Monnaie réfléchit d’ores et déjà à un tout nouveau concept peut-être un peu plus large et moins centré sur les artistes contemporains. C’est donc Kiki Smith qui a l’honneur de boucler la boucle. Avec plus d’une centaine d’œuvres datant des années 80 à aujourd’hui, l’artiste nous invite à découvrir son univers.
Kiki Smith est une artiste contemporaine américaine née en 1954 à Nuremberg en Allemagne. Elle est la fille du sculpteur Tony Smith, le précurseur du minimalisme américain et de l’actrice et chanteuse Jane Lawrence. Baignant depuis toujours dans l’art c’est donc tout naturellement que Kiki se tourne vers les arts et suit la voie de ses parents.
Très connue à l’étranger, elle l’est beaucoup moins ici en France. Elle a pourtant été classée dans le Time Magazine et a reçu plusieurs prix récompensant son travail. Artiste touche à tout, elle utilise différents matériaux comme le bronze, le plâtre, la porcelaine ou encore l’aluminium. On comprend donc pourquoi la Monnaie de Paris s’est intéressée à son art. Elle crée principalement des sculpture à différentes échelles mais aussi des tapisseries ou encore des mosaïques.
L’artiste s’inspire essentiellement de la vie quotidienne mais aussi de ses propres expériences pour créer un univers aux nombreuses thématiques comme le corps humain, la figure féminine, la nature ou encore la religion.
Au tout début de l’exposition, nous sommes accueillis par cette petite fille très expressive assise tranquillement sur ce petit bloc. Kiki Smith, artiste féministe, met la figure de la femme au centre de son art. Ici cette petite attend quelque chose et l’ombre que la lumière fait sur elle est vraiment très intéressante parce qu’elle l’agrandit considérablement. Comme dans l’art, rien n’est jamais fait au hasard, j’y vois ici un symbole du temps. Le symbole que cette petite fille va grandir et devenir une femme avec tout ce que cela en découle…
L’enfance est d’ailleurs un sujet majeur chez Kiki Smith. Elle sculpte très souvent des petites filles comme c’est le cas dans cette grande salle de la Monnaie de Paris. Les petites filles en bronze sont endormies, elles sont par terre. Elle me font tout de suite penser à Alice au Pays des Merveilles. Il y a ici une ambiance très onirique. Ces petites filles dorment paisiblement auprès de petits moutons. C’est quelque chose que l’artiste aime beaucoup faire, mettre en lien des femmes avec des animaux. Ici encore, je vois l’image de l’attente symboliser par le sommeil de ces petites filles qui un jour deviendront des femmes, les moutons symbolisant leur innocence. Ou peut-être symbolisent-elles aussi la petite fille que nous sommes toujours au fond même en grandissant, avec les mêmes rêves mais aussi les mêmes peurs et les mêmes craintes.
Kiki Smith s’intéresse énormément au corps dans toute sa totalité. Elle étudie énormément le manuel de médecine Gray’s Anatomy de Henry Gray datant de 1858. Elle reproduit des cœurs, des seins, des reins… Il y a une certaine obsession chez elle du corps et de son fonctionnement. Elle représente d’ailleurs une espèce de mannequin sans peau où l’on ne voit que les muscles et les veines mais en regardant de plus prêt, on peut se rendre compte qu’elle a aussi représenté de la « pourriture »… Derrière au sol, de manière plutôt subtile, se trouvent des vers… Ambiance !
L’artiste est obsédée par la mort, c’est un thème très récurrent dans son oeuvre, mais on abordera cela de plus prêt un peu plus tard…
Smith est aussi passionnée par l’iconographie religieuse et cette oeuvre n’est pas sans rappeler le Christ en croix. Ici, elle réalise un moulage du bas du corps d’un de ces voisins et utilise le haut de son propre corps pour terminer l’oeuvre. Il y a donc tout d’abord un mélange des genres, du féminin et du masculin. L’artiste aime faire des contradictions comme c’est le cas dans cette oeuvre. Cette contradiction montre aussi une complémentarité. L’un sans l’autre est ici indissociable.
L’artiste utilise du papier mâché pour donner cette impression de peau et donne une position affreusement inconfortable à son « mannequin ». Kiki Smith souhaite montrer la fragilité de la vie ainsi que sa violence. Elle a été très vite marquée par le décès de ses proches. Cela aura un fort impacte sur son oeuvre.
De même pour cette sculpture, il y a une certaine ambivalence entre plaisir et souffrance. La position donnée à sa sculpture est très inconfortable. Kiki Smith fait volontairement souffrir les corps peut-être pour faire référence aux maladies ayant touchées le corps de ses proches et qui les ont fait souffrir. D’un autre côté, on peut aussi imaginer tout simplement une danseuse prenant plaisir à faire ses étirements.
Ces filets de perles représentent les fluides à l’intérieur du corps. Il existe différentes versions de cette oeuvre dont une notamment qui fait référence aux menstruation avec des perles rouges. Ces perles font échos à la vie de l’artiste qui lorsqu’elle allait voir sa mère souffrante à l’hôpital enfilait des perles pour passer le temps…
Comme je le disais, la mort est omniprésente dans l’oeuvre de Smith. Beaucoup de ses proches sont morts des suites de maladie. Cette statue fait d’ailleurs référence à une de ses amies décédée d’un cancer. Le personnage fait un signe comme un dernier au revoir. Cette statue symboliserait donc le deuil. Le signe de main fait aussi référence à l’histoire des arts et à l’iconographie chrétienne puisque c’est le signe que l’on voit énormément dans les tableaux notamment dans L’Annonciation de Leonard de Vinci.
Autre référence religieuse, cette petite fille nue, agenouillée à même le sol, au milieu des étoiles, les bras tendus et les mains offertes, priant. Elle fait référence à la vierge Marie, figure qu’elle aime énormément. L’artiste met l’être vivant au centre de tout. Le ciel et la terre ne font plus qu’un. Kiki Smith montre que l’humain n’est qu’un tout petit détail dans un grand tout.
On arrive ensuite à une de mes œuvres préférées de l’exposition. Cette oeuvre rend hommage aux nombreuses femmes accusées de sorcelleries et tuées à travers l’histoire. Ici on peut voir un bûcher sur lequel se trouve une femme nue, agenouillée, les bras ouverts et le regard vers le ciel. Elle implore son dieu. Il y a aussi encore une fois une grosse référence à la croix du Christ car vous le savez peut-être déjà mais ces femmes accusées de sorcellerie étaient en réalité très souvent purement sacrifiées pour ne pas qu’elles remettent en cause la société et l’ordre des choses. Une sorcière était simplement, une femme anticipée des hommes, vivant seule, soignant par les plantes et qui par conséquent, remettait en doute la parole des hommes et leur société patriarcale.
Kiki Smith s’est aussi adonnée à la tapisserie qu’elle crée à l’aide d’une machine. Elle y représente les éléments, c’est à dire la terre, la mer, les cieux mais aussi les enfers. Ces tapisseries sont pleines de détails et font vraiment références à tous les thèmes que l’on a pu voir jusqu’ici. Il y a les cieux avec les étoiles, les femmes, les animaux, la nature et bien sûr la mort.
Dans cette oeuvre, Kiki Smith fait référence à l’histoire des arts et à sa représentation de Sainte Geneviève souvent illustrée en compagnie d’un ou de plusieurs loups. On peut aussi voir une référence au Petit Chaperon Rouge de Charles Perrault. La femme naît donc ici du loup. Sa peau est toute lisse et lustrée en opposition à la représentation de la fourrure de l’animal.
Elle lui tient fermement une patte de sa main droite. On peut s’imaginer une sorte de dualité entre la femme et le loup, un combat acharné pour la survie. Ne serait-ce pas peut-être, une opposition entre le masculin et le féminin ? Tellement d’interprétation possible…
Jusqu’au 9 Février, la Monnaie de Paris vous propose donc d’aller à la découverte de Kiki Smith. Cette artiste contemporaine américaine vous invite dans son univers mais aussi dans sa vie intime puisque beaucoup de ses œuvres font échos à sa vie de manière très symbolique. Elle nous dépeint un monde où tout ne fait qu’un. Parfois, ses réflexions peuvent paraître étranges voire morbides mais en réalité, en y réfléchissant bien, la mort fait aussi partie intégrante de la vie et c’est important de s’y intéresser. Kiki Smith ouvre donc les portes de son monde où la femme est maîtresse et où l’on vit en harmonie avec la nature, les animaux et l’univers. C’est un monde idéalisé mais marqué tout de même par un léger pessimisme, une peur profonde je pense, de ne plus exister… A vous maintenant d’en faire votre propre interprétation.
Que pensez-vous des œuvres de Kiki Smith et des thèmes abordés ?
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