La Monnaie de Paris accueille actuellement une exposition consacrée au sculpteur allemand Thomas Schütte. Connu comme étant l’une des figures principales de la sculpture contemporaine, l’artiste nous invite à découvrir son oeuvre à travers un parcours divisé en « Trois actes ». Ambivalent, étrange, parfois sarcastique et pessimiste, Schütte laisse les spectateurs donner libre cour à leur imagination.
Thomas Schütte est un artiste sculpteur né en 1954 à Oldenburg. Solitaire et anticonformiste, il ne fait rien comme les autres artistes de son temps. Il s’intéresse à des matériaux complètement délaissés par ses confrères comme la céramique, le bronze ou encore l’acier. Il est d’ailleurs considéré comme le ré-inventeur de la sculpture puisque cet art au XX° siècle est laissé de côté, l’art conceptuel étant beaucoup plus à la mode. Il apprécie l’art moderne et conceptuel mais montre tout de même un certain intérêt pour l’art classique.
La Monnaie de Paris accueille donc la première monographie française de Thomas Schutte. N’aimant pas beaucoup les musées, il décide tout de même d’exposer dans ce lieu qui valorise l’artisanat ainsi que le travail du métal et de la ferronnerie.
L’exposition « Trois actes » est divisée en trois parties. Comme une pièce de théâtre, nous retrouvons les mêmes personnages à travers les différentes pièces du parcours, comme dans différentes scènes.
Thomas Schütte travaille le corps humain de manière plutôt intéressante. Ses œuvres font l’objet de série. Il peut reproduire une même sculpture dans des tailles différentes et dans différents matériaux. Beaucoup plus intéressé par les représentations masculines que féminines, il lui arrive pourtant de sculpter des corps de femmes de manière assez obsessionnelle. Il va réaliser pas moins de 18 modèles différents dans chaque matières (aluminium, acier, bronze…), ce qui en fait des tas !
Les hommes représentés par Schütte sont souvent vieux, grotesques, déformés. Néanmoins, les sculptures sont colossales ! Elles sont gigantesques et dominent les spectateurs. L’artiste s’intéresse à la figure du héros, et pourtant, il n’y croit plus. Il a une vision très pessimiste de la société et de ce qu’elle amène chez les hommes.
Les femmes en revanche, dans l’oeuvre de l’artiste, sont représentés prostrées sur elle-mêmes. Elles sont parfois découpées et malmenées. Pourtant, elles sont à l’image des muses classiques, allongées, peut-être lascives… Ils s’intéressent beaucoup aux stéréotypes de l’histoire de l’art.
Thomas Schütte est un maître en ce qui concerne l’innovation stylistique mais aussi en ce qui concerne la surprise. Il se trouve toujours là où on ne l’attend pas. On le connait pour ses sculptures immenses en bronze, ces têtes énormes si expressives et d’un coup, on découvre qu’il s’adonne aussi à l’aquarelle. Celles-ci sont assez étonnantes puisqu’elles ne ressemblent en rien à ce que l’artiste a pu nous habituer. Ce petit ourson n’a rien à voir avec le « style » de l’artiste. Il rappelle beaucoup l’ourson de Grayson Perry, artiste britannique ayant lui aussi exposé à la Monnaie de Paris un peu plus tôt dans l’année. Ces aquarelles sont en fait des commentaires des œuvres exposées, elles racontent une histoire.
Ceci reflète ce qu’est l’art de Schütte : un art déconcertant, étrange. L’artiste se joue de nous et laisse libre court aux interprétations. Il ne répond d’ailleurs jamais aux questions. On ne sait donc jamais vraiment ce qu’il représente et ce qu’il souhaite faire passer comme message.
Comme je le disais plus haut, l’artiste s’intéresse beaucoup à la question des dimensions. On retrouve ces deux personnages attachés l’un à l’autre vu un peu plus tôt dans la cour de la Monnaie de Paris. Cette fois-ci, ils sont en pâte à modeler et protégés par une petite cloche en verre comme protégés. Ces figurines ont été très mal accueillies et considérées comme de vulgaires marionnettes. Tout le monde les trouvait beaucoup trop petites pour être intéressantes. Pour prouver leur préciosité, l’artiste décide de les photographier sur un fond noir de manière très théâtrale. L’accent est donné sur leur expression torturée. C’est intéressant d’avoir exposé les photographies juste derrière les figurines. Encore une fois, l’artiste joue sur les dimensions et cela donne une double vision de l’oeuvre.
Cette série de figurines à pour titre « Ennemis Unis » et évoque la dualité, la contrainte de vivre ensemble sans jamais pouvoir se séparer. Pour moi, il s’agit en réalité d’une seule et même personne. L’artiste souhaitait peut-être évoquer la complexité des sentiments, la difficulté à faire des choix et peut-être la souffrance d’un esprit malade. L’artiste a souffert d’une très grosse dépression. Schütte ne s’est jamais vraiment exprimé sur le fond de ses œuvres. Comme je le disais, il laisse libre court à l’interprétation des spectateurs.
Autre obsession de Thomas Schütte : la mort. A seulement 27 ans, il réalise une maquette de sa propre tombe où il inscrit la date de sa mort. Il joue une nouvelle fois avec les dimensions en faisant une peinture de cette tombe beaucoup plus grande que la maquette.
Il crée aussi des urnes funéraires. Celles-ci néanmoins semblent beaucoup plus poétiques et un peu moins morbides. A l’intérieur se trouveraient tous les souvenirs d’une personne. Cela sous entend un petit côté nostalgique de l’artiste… Des aquarelles représentant des fleurs entourent les urnes, symbole ultime de vanité. Ce thème récurent de l’histoire des arts, de l’art classique, rappelle constamment que rien ne dure jamais éternellement… (« Momento Mori« , « souviens toi que tu vas mourir) L’artiste nous encourage donc, nous spectateurs, à profiter de l’instant présent.
On retrouve aussi des masques mortuaires. A l’époque, ce genre de masques était utilisés sur les gisants pour immortaliser leur visage. Ayant lui même participé à la mise en place des œuvres à la Monnaie de Paris, il a décidé encore une fois d’entourer ces masques funéraires de fleur en aquarelle. Elles servent à commenter les œuvres. La symbolique du deuil et de la mort est omniprésente.
Autre grosse surprise concernant Thomas Schütte, il s’avère être un très bon architecte. Encore une fois, ses créations sont assez surprenantes et ne ressemblent pas du tout à ce que l’on peut voir tous les jours comme le montre cette espèce de petite cabane en forme de diamant. Celle-ci semble être un lieu de réflexion. Sur le toit se trouvent des fenêtres qui pourraient laisser entrevoir le ciel, les étoiles… J’aime beaucoup le concept.
Schütte a toujours tout fait par lui même. Il a financé ses productions grâce à des commandes de particuliers. N’aimant pas particulièrement le monde de l’art, ni le marché de l’art, il décide de créer sa propre fondation ! Celle ci est étonnante puisqu’elle a été créée d’après le modèle d’une boite d’allumette sur laquelle il posa une chips… Oui oui vous avez bien lu. Il fait donc construire sa fondation, un endroit dédié à la sculpture dans laquelle il y expose toutes ses œuvres. Il y invite aussi de jeunes sculpteurs contemporains, ce qui montre tout de même une certaine générosité de sa part et un amour certain pour l’art de la sculpture.
La Monnaie de Paris accueille donc jusqu’au mois de juin, la première monographie française dédiée à Thomas Schütte. Cet artiste, sculpteur avant tout, nous dévoile de nombreuses œuvres à travers un parcours rétrospectif dans lequel il a joué un rôle majeur puisqu’il a participé à la mise en place de ses propres créations. C’est un artiste contemporain marqué par l’art classique. Ses œuvres sont étonnantes et parfois déconcertantes. Elles sont mystérieuses, plusieurs interprétations sont possibles, l’artiste reste toujours très secret en ce qui concerne leur signification. Il laisse la possibilité aux spectateurs de se faire leurs propres idées.
Connaissiez-vous Thomas Schütte ? C’est une découverte pour moi ! 😉
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