Freakshow et Renaissance

La semaine dernière, j’étais en vacance à Madrid et forcément j’en ai profité pour faire la touriste et visiter tous ses beaux musées. Je me suis donc arrêtée au si célèbre Prado et y ai découvert une histoire assez folle. Celle-ci m’en a rappelée plusieurs autres et je me suis dis que clairement, elles méritaient bien un article !

Connaissez-vous le terme « Freakshow » ? Surtout utilisé vers la fin du XIX° et début du XX° siècle, ce phénomène existait en réalité depuis bien longtemps et l’art et la peinture sont là pour nous le rappeler…

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Le monstre habillé et le monstre nu, Juan Carreño de Miranda, 1680 

Un Freakshow est considéré comme un cirque composé essentiellement de personnes aux caractéristiques dites « monstrueuses ». Cela peut être des particularités physiques considérées comme hors du commun, des malformations et en réalité, des maladies. Ces personnes ne pouvant pas forcément s’insérer comme monsieur et madame tout le monde dans la société se retrouvent alors exhibés dans ces cirques comme de purs divertissements. Exploités et  complètement déshumanisés, on se rend compte que ce cirque moderne n’était en réalité que la continuité de quelque chose qui existait déjà aux époques précédentes notamment au Moyen-Âge et à la Renaissance.

C’est donc lors de ma visite au musée du Prado qui possède une large collection de peintures européennes datant du XIV° siècle au XIX° que j’ai pris conscience de cet intérêt plutôt malsain pour ces personnes « différentes ». Plusieurs toiles nous témoignent de cet attrait et celles qui nous intéressent aujourd’hui sont celles de l’espagnol Juan Carreño de Miranda.

En 1680, à Madrid, on entend énormément parler d’une petite fille de 6 ans pesant pas moins de 70 kilos. Le roi d’Espagne, Charles II, forcément curieux, veut la voir de ses propres yeux et la fait venir à la cour. Elle devient alors littéralement une attraction. Venant d’une famille pauvre, on pourrait se dire que ses parents acceptèrent de livrer leur petite fille contre de l’argent mais il n’en est rien. La petite fille, Eugenia Martinez Vallejo, ne touchera jamais aucun argent. Elle était exhibée lors de soirées, d’évènements tout simplement pour amuser la galerie. Le roi en est littéralement fasciné et demanda donc à son portraitiste officiel, le fameux Juan Carreño de Miranda, de réaliser deux portraits d’elle. Sur le premier, on voit la petite habillée d’une robe. Le cadrage est resserrée un maximum sur elle et ne laisse pas de place à un potentiel décor ou à un arrière plan sans doute pour accentuer encore plus son surpoids. Dans le second portrait, on retrouve Eugenia complètement dénudée avec pour seul accessoire du raisin en référence à Bacchus, le dieu de l’ivresse et de la fête. Encore une fois ici, la petite fille est littéralement déshumanisée. Ses sentiments ne sont pas pris en compte. Pourtant, lorsque l’on voit l’expression de son visage, on imagine très bien la tristesse qu’elle devait ressentir de se retrouver en position de bête de foire…

Portrait de Tognina Gonsalvus par Lavinia Fontana, vers 1583

Portrait de Tognina Gonsalvus par Lavinia Fontana, vers 1583

Quasiment cent ans plus tôt mais cette fois-ci en France, c’est Tognina Gonsalvus qui fait l’objet de toutes les curiosités. Soufrant d’hypertrichose congénitale, une maladie qui recouvre son visage et son corps de poils, elle se retrouve elle aussi exhibée à la cour royale du roi Henri II.

Tognina est la fille de Petrus Gonsalvus, lui-même atteint de cette maladie. Rapporté des îles pour être offert au roi lorsqu’il avait dix ans, il est d’abord considéré comme une espèce animal rare et particulière, comme un animal de compagnie, un singe savant. Ce qui est atroce quand on y pense. On va dire que ce qui le sauve, c’est sa personnalité et son intelligence. On lui trouve alors une femme et avec elle, il aura 7 enfants et certains hériteront de sa maladie.  Ce sera le cas de Tognina. Considérée comme un animal, elle n’est enregistrée dans aucun registre, c’est donc difficile de savoir clairement quand est-ce qu’elle est née et quelle a été la date de sa mort.

Toute la famille vit à Fontaibleau à peu prêt comme tout le monde et côtoie les nobles. Ils vivent clairement dans une prison dorée car en réalité, ils sont retenus en captivité. Tout comme la petite fille de Madrid, ils sont conviés aux festivités autant pour amuser, choquer, que pour impressionner. Car oui, à côté d’eux, tous les gens de la cour se sentait valoriser et rassurer sur leur propre apparence…

Un nain de la cour d’Espagne, Juan van der Hamen, 1616 / Francisco Lezcano, l’Enfant de Vallecas, Diego Velazquez, 1635-1645

Rattachés à l’imaginaire, au fantastique et aux mythes, les personnes atteintes de nanisme étaient quant à elles plutôt bien apprécier à la cour. Protégés par les princes, ils échappèrent même à l’Inquisition. Souvent artistes, musiciens ou acrobates, ils étaient souvent offert en cadeau. De cette objectivation, ils terminèrent au final à tisser des liens très forts avec leur maitre, devenaient leur ami, leur confident voire même leur conseiller officiel. Cela leur offrait donc parfois une assez grande ascension sociale puisque de bouffon du roi, certains chanceux devenaient proches des souverains. Ce qui est sur, c’est qu’ils étaient plutôt appréciés à la cour royale mais encore une fois, sans doute dans le but de créer un contraste afin de magnifier les nobles…

Les Ménines, Diego Velazquez, 1656

Les Ménines, Diego Velazquez, 1656

Ces animations à la cour royale n’étaient donc que les prémices de ce qui arriveraient quelque temps plus tard avec la création de cirques mettant en scène des personnes tout simplement différentes.

Il faudra donc attendre 1940 pour que les Freakshows s’éteignent peu à peu. Avec l’évolution de la médecine, on se rend compte que toutes ses caractéristiques physiques considérées comme hors normes étaient en réalité dû à des maladies et forcément, cela suscitait de la pitié et de la compassion. C’est assez dingue de voir comme toutes ces personnes ont pu être utilisées au profit d’autrui. Qu’elles aient été autant déshumanisées et exploitées. Littéralement considérées comme des monstres juste à cause de leur apparence, on peut se demander qui l’était réellement ?

Que pensez-vous de ces différentes histoires ? 

Si la notion de Freakshow vous intéresse, je vous conseille vivement la saison 4 d’American Horror Story de Ryan Murphy. Je vous renvoie aussi sur mon article dédié au réalisateur Tim Burton. Bien connu pour adorer les monstres en tout genre, il encourage en réalité ses spectateurs à se poser les bonnes questions et à ne jamais se fier aux apparences bien souvent trompeuses.


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2 commentaires sur « Freakshow et Renaissance »

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