Félicien Rops et son combat contre le puritanisme du XIXème siècle

Félicien Rops est un artiste majeur du XIXème siècle. Se moquant ouvertement du puritanisme de son époque et mettant en lumière l’hypocrisie de toute une génération, il fait partie des artistes les plus sulfureux. Qui était donc cet artiste controversé et comment procédait-il pour imposer ses propres idées ?

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Félicien Rops

Félicien Rops est un artiste belge ayant de multiples cordes à son arc. Né à Namur en 1833 dans une famille de bourgeois, il se passionne par les arts et plus particulièrement pour la peinture, le dessin et la gravure. A l’abri du besoin grâce à la fortune de sa famille, il peut se concentrer sur ses études et suivre des cours de peinture en parallèle. En 1849, son père décède et il se retrouve alors sous la tutelle de son cousin Alphonse. L’entente entre ces deux-là n’est vraiment pas au beau fixe. Rops ne supporte pas les attitudes de ce bourgeois et rêve alors de liberté. Très vite, il quittera Namur en 1851 pour aller à Bruxelles où il entrera dans différents cercles d’artistes. Il y rencontre du beau monde notamment dans les cercles littéraires. 

Il commence sa carrière en réalisant des caricatures pour de petits journaux. Celles-ci sont scandaleuses mais participent à son succès. Il réalise ensuite de nombreuses illustrations. Il est aussi très présent dans la vie artistique de Bruxelles puisqu’il fait partie de nombreuses associations tout au long de sa carrière. 

En 1857, il épouse Charlotte Polet de Faveaux, la fille d’un juge. Leur mariage bat grandement de l’aile à cause des infidélités répétées de l’artiste. Félicien Rops est un homme faible fasse à la beauté des femmes, et cette faiblesse masculine sera très souvent abordée dans ses œuvres.

Ayant rencontré de nombreux artistes au cour de sa carrière dont l’écrivain Alfred Delveau avec qui il a collaboré plusieurs fois, il part à Paris poursuivre sa vie dans les années 60. Paris aura toujours été un refuge pour les artistes. La capitale française permettait une liberté qui n’était sans doute pas possible ailleurs. Rops s’est créé une réputation des plus sulfureuses. Ses œuvres étaient parfois sévèrement jugées. N’oublions pas que nous nous trouvons au XIXème siècle, à une époque encore très catholique et puritaine. L’artiste, étouffé par un milieu bourgeois qu’il considère hypocrite souhaite montrer l’envers du décors.

La Dame au Pantin et à l’éventail, 1873 / La Dame aux Pantins,  1877

Se détachant énormément des canons de beauté académiques, des déesses, des muses et des allégories en tout genre, Félicien Rops va représenter dans ses œuvres des femmes très modernes. Parfois habillées de manière bourgeoise, il les représente dominantes. L’artiste est considéré comme étant un symboliste, ses œuvres doivent donc être décortiquées !

Il réalise à plusieurs reprise « La Dame au Pantin« . Les femmes dans ces œuvres sont toutes puissantes. Les pantins, grotesques et désarticulés, symbolisent les hommes. Ceux-ci seraient complètement assujettis devant le pouvoir de séduction des femmes. C’est quelque chose que Rops vit lui-même puisqu’il est très sensible aux charmes de ces dames malgré le fait qu’il soit marié et ait donc promis fidélité.

La version de 1877 est pour moi la plus intéressante ! On y trouve de nombreux symboles et références ! D’abord, on peut voir cette femme tenant fermement un pantin dans son poing levé qui symbolise clairement sa toute puissance. Dans sa main gauche, elle tient fermement un couteau, symbole phallique ultime. Celui-ci est ensanglanté. La femme est clairement celle qui domine. Des pièces d’or tombent du pantin et rappelle fortement le tableau de Danaé de Chantron réalisé plus tard en 1891. Chantron s’est-il peut-être inspiré de Rops pour symboliser la cupidité ? Ces pièces d’or font rappellent la vénalité.

Félicien Rops a souvent fait référence à la prostitution à Paris et aux courtisanes donc j’imagine que les pièces d’or peuvent aussi très bien faire référence à ces échanges tarifés. On retrouve aussi aux pieds de cette femme un petit cupidon tourné en ridicule et habillé en bouffon. On le reconnait grâce à ses deux ailes. A la place de son arc et ses flèches, il tient une espèce de sceptre avec un crâne, symbole de la mort… La vasque aussi est très intéressante puisque l’on y distingue l’arbre de la connaissance et le serpent de la tentation. 

Le symboliste aborde ici tout ce qu’il déteste en réalité c’est-à-dire l’hypocrisie de la religion et du puritanisme de son époque. Les bourgeois faisant tout pour apparaitre en public comme lisses et bien sous tout rapport sont pourtant ceux qui entretiennent des relations scandaleuses avec des femmes qui ne sont pourtant pas leur épouse. Toute la symbolique du pantin est aussi très intéressante puisque pour Rops, l’homme est la marionnette de la femme, elle peut en faire ce qu’elle souhaite mais la femme elle, est la marionnette du diable… Encore une fois, la femme est rattachée au vice et à la tentation. Elle est celle qui détourne les hommes de leur droit chemin.

Dans les coulisses, Félicien Rops, 1878

Dans les coulisses, 1878-1880

Félicien Rops a de nombreuses fois représenté ces relations entre homme et femme. Ici, dans cette œuvre, on se trouve sans doute dans les coulisses d’une pièce de théâtre. On sait très bien que les actrices de théâtre ainsi que les danseuses d’Opéra à Paris ne gagnaient vraiment pas bien leur vie. Pour subvenir à leur besoin, elles se prostituaient très souvent. Les bourgeois d’ailleurs qui allaient au théâtre ou à l’Opéra y allaient la plupart du temps juste pour se trouver une courtisane. C’est quelque chose que Edgar Degas a abordé de nombreuses fois, de même pour Henri de Toulouse-Lautrec. N’hésitez pas à regarder plus précisément les tableaux de Degas car vous y verrez souvent, caché au fond de la scène, un homme regardant les petites danseuses… Il n’est pas là juste pour regarder. 

Face à un public délicat, Rops n’hésite donc pas à montrer justement, ce qu’il se cache en coulisse ! Les titres de ses œuvres sont d’ailleurs souvent très importants et en disent longs, ils ne sont jamais choisis au hasard. 

Pornocratès, Félicien Rops, 1878

Pornocratès, Félicien Rops, 1878

Pornocratès est sans doute l’œuvre la plus connue de l’artiste. On y voit une femme nue, seulement chaussée et gantée. Ses yeux sont bandés et elle se laisse guidée par un cochon. Trois chérubins, souvent représentés dans l’art avec Vénus, la déesse de l’amour et de la beauté, fuient la scène, horrifiés. La femme piétine une frise où l’on y voit plusieurs représentations d’art comme la sculpture, la musique, la poésie et la peinture. Celles-ci se lamentent. Ces représentations symbolisent l’art classique et académique. Rops décide une nouvelle fois d’enterrer symboliquement le passé afin de montrer la modernité. Le cochon ici pourrait symboliser deux choses. Dans un premier temps, l’homme, qui serait tenu en laisse par la femme et dominé. Puis dans un second temps, on peut penser que la femme se laisserait simplement guider par ses instincts, son propre désir. Le cochon souvent associé à quelque chose de sale serait une nouvelle fois pour Rops une manière de montrer que la sexualité et l’érotisme ne sont pas sales puisqu’ils font parties de la vie et que c’est quelque chose de naturel. 

La Tentation de Saint Antoine, Félicien Rops, 1878

La Tentation de Saint Antoine, Félicien Rops, 1878

En 1884, le Groupe des Vingt, un cercle artistique bruxellois dont fait partie Félicien Rops organise une exposition. La Tentation de Saint Antoine réalisée des années plus tôt y est alors exposée et là, c’est le SCANDALE. Rops connu pour son côté sulfureux dépasse pour certains les limites puisqu’il blasphème ouvertement. Ici, il tourne en ridicule la religion. On y voit Saint Antoine, interrompu dans sa réflexion par une vision presque diabolique. Le Christ, est remplacé par une rousse incendiaire complètement nue offerte au regard du saint. derrière elle se trouve le diable et des chérubins tout droit venus des enfers les accompagnent. Un cochon est aussi présent et symbolise une nouvelle fois les instincts humains. A travers ce pastel, Félicien Rops remet en question la religion et ses préceptes en affirmant que la sexualisé ne peut être refoulée puisqu’elle fait partie intégrante des Hommes. Même le plus saint des saints ne peut nier cela… 

La Chanson de Cherubin, Felicien Rops, 1878-1881

La Chanson de Cherubin, 1878-1881

Félicien Rops est donc un artiste plus que sulfureux. Ne reculant pas devant son envie de choquer mais surtout devant son envie de mettre en lumière l’hypocrisie de tous ces bourgeois bien pensants, il n’hésite pas à aller aussi contre un style artistique bien défini. Antiacadémique, il fait preuve d’une certaine modernité. Il s’inspire pourtant énormément de l’histoire des arts, c’est un homme très cultivé et connu pour avoir une très bonne mémoire. Il reprend très souvent les codes de grands maitres dans ses tableaux surement parfois pour les tourner en ridicule d’ailleurs. L’artiste décède en 1898 dans sa demeure en Essonne. Jusqu’à la fin de sa vie, il continuera de dessiner et de peindre.

Son travail ne résume bien évidemment pas à ces œuvres vues ici plus haut mais j’ai décidé de me pencher sur l’image donnée aux femmes.

Que pensez-vous de la réflexion de cet artiste sur l’hypocrisie de toute une époque ?


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8 commentaires sur « Félicien Rops et son combat contre le puritanisme du XIXème siècle »

  1. Salut UBHA !
    Très intéressant. C’est quasiment une découverte. Je connaissais 2 ou 3 œuvres sans connaître le bonhomme et son goût pour la provocation et la dénonciation de l’hypocrisie ambiante.
    Cependant, une chose m’étonne, il ne respectait pas les codes de la peinture et allait volontiers au clash avec la bourgeoisie… et il quand même vécue de son art, il y avait des gens qui achetaient ou collectionnaient ses tableaux ?

    Aimé par 1 personne

    1. Félicien Rops a commencé sa carrière entant que caricaturiste et illustrateur. Avec le bouche à oreille, il a pu rencontré pas mal de monde qui sans doute aimaient son côté provocant et tranché 😉
      De plus, on lui faisait régulièrement des commandes donc oui il a vécu de son art et était assez reconnu de son vivant !
      Il est vrai qu’une majorité d’artiste gagne en popularité lorsqu’ils meurent, ce n’était pas le cas de Rops ! 😉
      Et puis n’oublions pas qu’il vient d’un milieu bourgeois… il n’a jamais connu le besoin et n’a jamais été dans l’urgence. Il a toujours pu prendre le temps d’étudier… il a d’ailleurs fait des études en philosophie même si en vrai il s’en fichait d’avoir un diplôme. À côté il continuait d’étudier l’art donc il n’a jamais eu vraiment besoin de faire un travail « ingrat » à côté. Et comme je le disais, ses publications dans divers journaux, magazines, livres lui ont sans doute apporté pas mal d’argent et de notoriété. Il a d’ailleurs collaboré avec Charles Baudelaire qui était un très bon ami. 😉

      Heureuse en tout cas de vous avoir fait découvrir l’homme ! 😉

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  2. céder à la beauté ce n’est pas forcément de la faiblesse c’est une façon d’explorer le réel et l’imaginaire pour un artiste. C’est tenter de comprendre la force qui se cache au sein du plus vulnérable de soi et cela demande beaucoup de courage. Surtout lorsqu’on résiste à la pesanteur que font subir culpabilité et morale et qui étouffent généralement sans même qu’ils ne s’en rendent vraiment compte les « honnêtes hommes et femmes » 😉

    Aimé par 1 personne

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